L'expression "garçon manqué" est souvent utilisée pour décrire une fille qui présente des caractéristiques ou des intérêts traditionnellement associés aux garçons : elle préfère les jeux d'extérieur, les sports, les vêtements plus décontractés... Loin d'être anodine, cette expression véhicule de nombreux stéréotypes de genre et mérite d'être déconstruite. Cette expression est ancrée dans une histoire complexe et révélatrice des normes de genre qui ont évolué au fil des siècles.

Une construction sociale

• XIXe siècle : un code de conduite

Aux États-Unis, le terme "tomboy" (garçon manqué en anglais) a initialement désigné un code de conduite encourageant les jeunes filles à adopter un mode de vie sain, incluant des vêtements pratiques et une activité physique. C'était une manière de les préparer à devenir des mères et des épouses solides.

• Début du XXe siècle : une phase de développement

Des penseurs comme Joseph Lee ont vu dans le "tomboyism" une phase essentielle du développement de la jeune fille, favorisant son épanouissement physique et psychologique. Cependant, si ce mouvement encourageait l'activité physique chez les filles, il était souvent associé à des idéaux romantiques sur la nature et à une certaine infantilisation de la femme. Parallèlement, à partir de la fin du XIXe siècle, une association de plus en plus fréquente entre le "tomboyism" et le lesbianisme a émergé, contribuant à stigmatiser ces femmes qui ne correspondaient pas aux normes de féminité de l'époque. Ces stéréotypes ont pu avoir des conséquences psychologiques importantes pour les jeunes filles concernées, en les exposant à des jugements et à des discriminations.

• Guerres mondiales : une nécessité

Pendant les deux guerres mondiales, de nombreuses femmes ont dû prendre des responsabilités traditionnellement masculines, renforçant l'idée que les filles pouvaient être aussi fortes et capables que les garçons. Les contributions des femmes pendant les deux guerres mondiales ont d'ailleurs renforcé leurs revendications pour l'égalité et ont accéléré, dans de nombreux pays, l'obtention du droit de vote.

 

L'évolution du terme et ses connotations

• De la neutralité à la stigmatisation

Au fil du temps, la connotation positive du terme s'est atténuée. L'expression "garçon manqué" a progressivement pris une connotation négative, suggérant que la fille en question déviait de la norme féminine attendue.

• Une construction sociale changeante

Les normes de genre étant fluctuantes, la perception de l'expression a évolué en fonction des époques et des cultures.

Pourquoi cette expression est-elle problématique ?

• Limitation des choix

En qualifiant une fille de "garçon manqué", on lui impose une étiquette qui restreint ses possibilités d'expression et d'épanouissement. On lui signifie implicitement qu'elle ne peut pas être une fille "comme les autres" et et qu'elle ne correspond pas à la norme.

• Renforcement des stéréotypes

Cette expression renforce l'idée qu'il existe des activités, des goûts et des comportements strictement réservés à un sexe et/ou genre. Elle contribue ainsi à maintenir des normes de genre rigides et limitantes.

• Dévalorisation des traits dit masculins chez les filles

En utilisant cette expression, on sous-entend que les traits associés aux garçons (force, détermination, indépendance) sont moins valorisés quand ils sont présents chez les filles.

• Manque de neutralité

On ne parle jamais de "fille manquée" pour un garçon qui préfère les jeux de poupée ou les activités artistiques. Ce double standard met en évidence le caractère injuste de cette expression. Il faut tout de même noter que les garçons qui préfèreraient les choses dites "féminines" sont victimes de commentaires homophobes notamment. Ils ne sont pas "simplement" des filles que l'on aurait loupé mais c'est toute leur virilité qui est remise en question.

Quelles alternatives ?

Il est important de ne pas donner d'étiquettes aux enfants. Que ce soit des étiquettes liées au genre mais aussi d'une manière plus large sur leur personnalité. En effet les enfants sont en pleine construction, ils ont besoin de découvrir le monde et eux même. En leur donnant des étiquettes on les cantonne à ces étiquettes et nous les limitons dans leurs apprentissages.

Pourquoi il est important d'en parler ?

En déconstruisant l'expression "garçon manqué", nous contribuons à créer un environnement plus inclusif et respectueux de la diversité. Nous encourageons les filles à être elles-mêmes, sans se sentir obligées de rentrer dans un moule.

En conclusion, l'expression "garçon manqué" est une relique d'une époque où les rôles de genre étaient strictement définis. Il est temps de l'abandonner au profit d'un langage plus neutre et plus respectueux de la diversité des individus. En tant que parents, éducateurs et membres de la société, nous avons tous et toutes un rôle à jouer pour créer un monde où chaque enfant se sent libre d'être qui il est, sans jugement.